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December 2025
Marine Catalan (Terres d’Aventure) :
« Dans nos métiers, tenir le cap long terme tout en répondant au quotidien est un vrai exercice d’équilibriste »
Après une carrière en agences internationales comme planneuse stratégique, Marine Catalan a rejoint Terres d’Aventure (troisième marque du groupe Voyageurs du Monde) il y a deux ans pour piloter le marketing d’une marque iconique du voyage d’aventure. Elle dirige aujourd’hui une équipe de dix-sept personnes et conduit une transformation profonde : modernisation de la marque, digitalisation d’un écosystème historiquement très print, développement d’une content factory et conquête de nouveaux publics. Elle revient sur les défis de son rôle, l’évolution des usages voyageurs, la prudence nécessaire autour de l’IA et la place du marketing dans une maison fondée sur l’humain.
Marine Catalan : Ils se situent autour de deux axes principaux : la marque et l’acquisition de nouveaux clients avec un objectif de rajeunissement. Terres d’Aventure est une maison avec cinquante ans d’histoire. Son image était très installée, mais assez peu revisitée. Il fallait la moderniser, l’harmoniser et lui redonner un territoire cohérent avec les attentes actuelles des voyageurs. Le second enjeu, c’est d’aller chercher de nouveaux publics. Notre clientèle historique est très fidèle et très attachée à notre ADN, mais elle vieillit avec nous. Pour continuer à croître, nous devons créer des points d’entrée plus accessibles et travailler sur un rajeunissement de la base clients.
M.C. : La première année a été une année de construction. L’écosystème de communication était encore très institutionnel, avec peu de présence sociale et peu d’outils internes pour produire du contenu. Nous avons donc structuré une content factory, formé les équipes terrain à ramener du contenu, mis en place des process éditoriaux, clarifié les rôles et renforcé nos capacités internes. L’objectif n’était pas de tout révolutionner, mais d’organiser, de poser des fondations solides et de mieux équilibrer l’ensemble entre marque, contenus et performance.
M.C. : Chez Terres d’Aventure, la connaissance client est d’abord humaine. Environ 80 % des voyageurs remplissent un retour d’expérience très détaillé. Les conseillers les appellent systématiquement au retour pour comprendre ce qui a fonctionné ou ce qui peut être amélioré. Nous avons aussi une particularité : nos équipes partent sur le terrain. Elles testent les voyages, les itinéraires et les hébergements. Elles connaissent les destinations et leurs spécificités. Cette immersion régulière nous apporte une finesse d’insight qui compense largement l’absence d’études quantitatives massives.
M.C. : L’IA s’installe progressivement dans les usages voyageurs, surtout chez les plus jeunes qui n’hésitent plus à demander à un outil de générer un premier itinéraire. C’est un mouvement que nous observons, mais nous restons convaincus que certaines destinations nécessitent une expertise terrain que l’IA ne maîtrise pas encore. Nous avons testé des agents internes pour assister nos conseillers, mais les réponses restent parfois trop approximatives pour être déployées. L’orientation d’un voyageur doit être parfaitement fiable, surtout sur les voyages engagés. Côté création de contenu, nous avançons prudemment : notre métier repose sur l’émotion, l’expérience vécue et la précision technique.
M.C. : Même si une partie de la recherche commence en ligne, la conversion passe très souvent par un appel. Le voyage d’aventure est un produit complexe : niveau physique, sécurité et technicité de l’itinéraire. Avoir un conseiller spécialisé, qui connaît le terrain et le niveau réel du voyageur, reste rassurant. Les agences physiques sont moins fréquentées qu’avant, mais le téléphone est devenu un canal clé. Dans notre modèle, c’est encore la relation humaine qui transforme.
M.C. : L’internalisation est très ancrée culturellement et elle fonctionne bien sur certains sujets, notamment parce que nos équipes ont une vraie expertise du produit. Mais il y a eu une volonté d’équilibrer. Nous travaillons désormais avec une agence de branding, une agence digitale et une agence RP. Cela apporte du recul, des compétences spécialisées et permet aussi de soulager des équipes très sollicitées sur des projets de grande ampleur. L’idée n’est pas de remplacer l’interne, mais d’ouvrir le jeu et de trouver un modèle plus hybride et plus agile.
M.C. : C’est un élément déterminant. Nous proposons 1 600 voyages dans 145 destinations, avec des niveaux de difficulté, des formats et des temporalités très différents. Impossible de soutenir chaque produit individuellement : le marketing doit créer de la valeur ailleurs, par la marque, l’expertise et le conseil. Notre valeur se joue dans la capacité à inspirer, orienter et rassurer, plus que dans une mécanique d’attribution linéaire.
M.C. : C’est l’un des défis les plus sensibles. Le marketing doit répondre à un quotidien très opérationnel, mais il doit aussi préparer les années à venir : rajeunir une marque, faire évoluer un positionnement, fidéliser les nouveaux publics. Dans une entreprise où les cycles sont longs et où l’on regarde naturellement la performance, il faut rappeler que certains effets ne se mesurent pas à la semaine, mais dans la durée. Tenir ce cap tout en accompagnant les besoins immédiats, c’est vraiment un équilibre subtil.
M.C. : J’en vois trois. D’abord le leadership, parce qu’il faut maintenir une dynamique d’équipe et défendre une vision dans un environnement très mouvant. Ensuite la flexibilité : les usages, les outils, les priorités changent vite. Enfin, la créativité, qui reste essentielle dans un secteur où l’émotion et le récit font la différence. Même avec la data, même avec les outils, on reste dans un métier d’inspiration.
M.C. : Je demanderais de protéger la vision long terme. Notre rôle est d’accompagner les évolutions du voyage, de moderniser la marque, de créer du désir et d’ouvrir la porte à de nouveaux publics. C’est un travail qui nécessite du temps, de la constance et de la cohérence. Le marketing est à la fois exposé et structurant : il doit garder le cap, même quand le quotidien accélère.

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