Retour au Mag

Interview Alexandra Van de Wiele, EssilorLuxottica

BtoB
Marketing
Retour au Mag

30

September 2025

Interview Alexandra Van de Wiele, EssilorLuxottica

BtoB
Marketing

Chez EssilorLuxottica, Alexandra Van de Wiele pilote le marketing et les catégories Professional Solutions pour la zone EMEA, autrement dit le segment wholesale. Elle gère à la fois les équipes marketing européennes et la planification business par catégorie. Cette double casquette, rare à ce niveau de responsabilité, reflète la transformation profonde des rôles marketing. Plus stratégique, plus transversal et plus exposé au business. Elle revient ici sur ses priorités, les mutations en cours dans son métier et les compétences qu’elle attend de ses équipes.

Quels sont les enjeux qui vous mobilisent aujourd’hui ?

Alexandra Van de Wiele : L’un de mes plus gros enjeux aujourd’hui, c’est le lancement et l’intégration de toutes les innovations du groupe, qu’elles soient développées en interne ou issues d’acquisitions. Cela va de la marque lifestyle Supreme à des instruments de diagnostic pour les ophtalmologistes, en passant par les Ray-Ban Meta ou nos nouvelles lunettes auditives, Nuance. Ce sont des produits très différents du core business, on touche à la medtech, à la tech, à l’audio… Ce sont aussi de nouvelles cibles, de nouveaux usages et de nouvelles catégories.

Cela transforme complètement notre rôle : il ne s’agit plus seulement de gérer des marques établies, mais de créer une vision cohérente et intégrée. Aujourd’hui, nos clients, notamment B2B, recherchent du sens, de la cohérence et une vision long terme. Ce qui compte, ce n’est plus seulement l’innovation en soi, c’est la manière dont elle s’intègre dans une stratégie globale. On attend de nous une intégration immédiate des nouvelles catégories, sans créer d’équipes dédiées à chaque nouveauté. Nous n’avons pas les moyens de dupliquer les organisations, donc nous devons rationaliser. On doit garder une structure streamlinée tout en absorbant énormément d’innovation.

Justement, comment articulez-vous aujourd’hui les visions business et marketing ?

A.V.d.W. : Le fait d’avoir une responsabilité business me permet d’arbitrer plus facilement. Il n’y a plus cette dichotomie habituelle entre « le marketing veut faire ça » et « le commerce ne suit pas ». Je suis en mesure d’expliquer les choix, de justifier chaque décision et surtout de les aligner sur le P&L. C’est essentiel dans une organisation aussi vaste.

Chez Essilor Luxottica, le portefeuille est très large, avec près de 100 000 clients dans le wholesale. Mon objectif, c’est d’identifier les fameux 20 % qui vont générer 80 %  des revenus et de transmettre cette priorisation aux équipes pays, qui sont confrontées à une complexité énorme au quotidien.

Comment vos équipes intègrent-elles la transformation digitale et l’IA ?

A.V.d.W. : Sur les produits, nous sommes très innovants. Mais sur les outils marketing internes, nous avons du retard. Très peu de personnes utilisent les outils de nouvelle génération. Pourtant, quand nous mettons les moyens, nous sommes capables de développer des outils intéressants, comme notre plateforme de formation Léonardo à destination des salariés EssilorLuxottica et de nos clients.   

Mais globalement, nous manquons de temps, de moyens et surtout de personnes pour mener ces projets de fond.  L’innovation dans les pratiques marketing ne peut pas reposer uniquement sur les équipes existantes. Il faudrait des ressources dédiées, capables de co-construire les outils avec nous.

Quelles sont vos priorités en matière de recrutement ?

A.V.d.W. : La gestion des équipes est un grand défi. Je dois recruter des profils capables de gérer le run, mais aussi d’inventer le marketing de demain. Ce n’est pas évident : beaucoup de marketeurs sont encore ancrés dans les pratiques d’hier.Je cherche des profils avec de la diversité de parcours, d’expériences, d’industries. Et surtout, je mise sur trois soft skills clés : la gestion de la complexité, l’agilité et le drive.

Comment définissez-vous ces soft skills ?

A.V.d.W. : Le drive, c’est la capacité à définir une vision, un objectif et à embarquer les autres. Pas forcément en étant extraverti ou bruyant, on peut très bien avoir un leadership discret, par la compétence ou l’inspiration, mais il faut une capacité à emmener. L’agilité, c’est la faculté à se remettre en question, à ajuster, à changer de cap si besoin. Et la gestion de la complexité, c’est crucial : être capable de traiter 35 sujets dans sa journée, avec des interlocuteurs très différents, sans perdre le fil.

Comment accompagnez-vous vos équipes sur ces sujets ?

A.V.d.W. : J’ai été formée très tôt à ces dimensions grâce à mes 20 ans passés dans des groupes américains. Coaching, développement personnel, intelligence émotionnelle… ça faisait partie de la culture. Aujourd’hui, je m’efforce de transmettre cela par le partage d’expérience. Je parle beaucoup avec mes équipes, je les laisse faire, tester, parfois se planter et on débriefe ensemble.

Je pense aussi que les vraies compétences se forgent dans le changement. Pas forcément en changeant d’entreprise, mais en changeant de fonction. C’est comme ça qu’on développe une posture de CMO : en étant confronté à d’autres enjeux et à d’autres angles. Un bon marketeur, c’est quelqu’un qui doute et se remet en question en permanence, tout en restant assertif. C’est ce paradoxe qui rend la fonction passionnante.

Quel rôle voyez-vous pour les partenaires externes ?

A.V.d.W. : Un prestataire externe ne doit pas seulement exécuter. Ce que j’attends, c’est un angle, une valeur ajoutée et une capacité à challenger. Sinon, autant internaliser. Chez nous, le frein principal à l’externalisation, c’est le manque de différenciation perçue. Beaucoup d’agences proposent des services que nous pourrions faire nous-mêmes. Le vrai enjeu, c’est de co-construire de nouveaux angles, tester des approches et piloter des preuves de concept.

Comment définiriez-vous le rôle du CMO de demain ?

A.V.d.W. : Pour moi, c’est la tour de contrôle stratégique de l’entreprise. Un CMO doit pouvoir proposer des trajectoires de transformation, incarner la réputation de l’entreprise et porter une vision business claire, bien au-delà des marques. Il faut sortir du marketing de l’exécution pour endosser un rôle de stratège, capable d’orienter l’entreprise, d’éclairer les signaux faibles et d’ouvrir des futurs possibles.

Lire aussi

BtoB
Marketing
No items found.

L’équipe Spaag.

D’autres ressources sur ce sujet:

Accéder au Spaag Mag

Initiation au scraping : récupérez toutes les données qui vous intéressent sur n’importe quel site

Marketing
Lire
Écouter sur Spotify
Regarder

Interview Pauline Jurado Barroso, Boa Concept

BtoB
Marketing
Lire
Écouter sur Spotify
Regarder

Interview de Christine Ravanat, Expleo

Marketing
CONSEIL
Lire
Écouter sur Spotify
Regarder
Accéder au Spaag Mag

Time for a Growth Break ! Chaque mois, recevez les dernières actualités et ressources sur le marketing et le growth